1001Ebook » Histoire » Dans les forêts de Sibérie: Février - juillet 2010 (2022)
  • Auteur: Sylvain Tesson
  • Editeur: Editions Gallimard (25 avril 2013)
  • Pages: 278 pages
  • Langue: Français

Description du livre Dans les forêts de Sibérie: Février - juillet 2010 (2022):

"Assez tôt, j’ai compris que je n’allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.
J’ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j’ai tâché de vivre dans la lenteur et la simplicité.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à l'existence.
Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
Et si la richesse revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?
Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu."



Commentaires

Tant de commentaires opposés sur ce livre ! Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne laisse pas indifférent et fait réagir la plupart de ses anciens lecteurs avec leurs tripes.

Sans tomber dans la psychologie de comptoir, c'est sans doute qu'il remue des choses profondes, voire profondément enfouies ? Le fait est qu'on retrouvera tous une aspiration, à un moment ou un autre de notre existence, de nous retirer du monde. Pour certains, ça se passe au camping de Palavas les flots en plein mois d'août, avec des bières et des sudokus, pour d'autres, ça se passe réellement dans un désert (avec de la vodka ou une pile de chefs d'oeuvre littéraires). Bien qu'ils n'aient pas la même intensité, l'un de ces scenarii n'est évidemment pas supérieur à l'autre. Mais le fait est qu'on attend plus de celui qui a eu le courage de pousser l'expérience jusqu'à son terme. Et on fait bien ! Car pour moi, il se donne le Tesson. Il se donne à une solitude telle qu'elle ne peut que déboucher sur la contemplation. Quelles âmes sensibles se choquent-elles du fait qu'il accompagne parfois celle-ci de Vodka ? Lui reproche-t-on aussi de fumer des cigares ? de caresser ses chiens ? de pisser dans la neige ? Ce type est un jouisseur profond, qui se connait bien comme tel mais souhaitais le vérifier. Et non seulement il confirme une sensibilité à fleur de peau transformant la moindre évolution infinitésimale dans la répétition désertique du même, mais il parvient à la retranscrire, à en partager la force et la beauté. Il s'efforce de transmettre à son lecteur ce regard sur le monde que nous avons perdu et auquel seule la radicalité d'un comportement flirtant avec le masochisme peut permettre d'accéder. Que ceux qui n'ont su s'y transporter et apprécier les variations les plus infimes, savourer à ses côté les joies les plus profondes parce que paradoxalement soit les plus animales soit les plus intellectuelles, que ceux-ci donc se rassurent : l'auteur les conchie, et le lecteur a minima les ignore aussi. Qu'ils passent à côté du message est leur problème. Que les plus grands auteurs et philosophes convoqués avec tant d'à propos par Tesson illustre bien que ces lecteurs passent à côté de la réalité. On peut trouver Tesson bobo auto-suffisant et démagogue ? C'est alors qu'on lui donnerait raison encore plus : de s'isoler des gens qui ne comprennent ni respectent une démarche de retrait du monde, et une posture cynique que n'auraient pas renié quelques stylites en leur temps, ou a minima le fascinant Diogène.

Ce livre est donc à mettre absolument entre toutes les mains, et a fortiori de ceux qui flirtent avec la mid life crisis ou les plus grands chagrins et ne peuvent que trouver du réconfort dans cette capacité à revenir en soi, et à utiliser aussi bien la nature (dans son expression ultime) que la culture (ses innombrables lectures). Elle provoquera un rejet épidermique chez certains ? Tant mieux, ils auront au moins témoigné une prise de position dans leur vie. Mais elle provoquera surtout la plupart du temps une ouverture à la nature, une ouverture à soi et rien que soi en face de soi. A quel moment notre société permet-elle d'en faire autant ? Mieux : à quel moment _invite-elle_ à en faire autant ? Jamais. Sylvain Tesson lui nous invite. Les coordonnées GPS de sa cabane figurent même dans le bouquin. Reste à savoir lesquels d'entre nous aurons le courage de se lancer dans le pérleringe tessonnien ?....

Bien à vous,
Robin FERRIERE



5/5