1001Ebook » Droit » Laëtitia ou la fin des hommes - Prix Médicis (2022)
  • Auteur: Ivan Jablonka
  • Editeur: ‎ Le Seuil; 1er édition (25 août 2016)
  • Pages: ‎ 379 pages
  • Langue: Français

Description du livre Laëtitia ou la fin des hommes - Prix Médicis (2022):

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais a été enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d'être poignardée et étranglée. Il a fallu des semaines pour retrouver son corps. Elle avait 18 ans.


Ce fait divers s'est transformé en affaire d'État : Nicolas Sarkozy, alors président de la République, a reproché aux juges de ne pas avoir assuré le suivi du " présumé coupable ", précipitant 8 000 magistrats dans la rue.


Ivan Jablonka a rencontré les proches de la jeune fille et les acteurs de l'enquête, avant d'assister au procès du meurtrier en 2015. Il a étudié le fait divers comme un objet d'histoire, et la vie de Laëtitia comme un fait social. Car, dès sa plus jeune enfance, Laëtitia a été maltraitée, accoutumée à vivre dans la peur, et ce parcours de violences éclaire à la fois sa fin tragique et notre société tout entière : un monde où les femmes se font harceler, frapper, violer, tuer.






- prix Médicis 2016,


- prix Transfuge du meilleur essai 2016,


- prix littéraire Le Monde 2016,


- prix de la meilleure Enquête de
Lire 2016


et prix des Prix littéraires 2016.



Commentaires

Un livre que le lecteur n’ouvre pas sans être déjà prévenu. La rumeur des prix le lui a signalé. Le sujet, un fait divers atroce, a été abondamment couvert par les médias en son temps. Ce même lecteur en a eu connaissance.

Il sait déjà. Sa lecture ne sera pas réjouissante.

Pourtant, à ce livre, un exergue pour le moins bizarre :

“ La joie est le passage d’une moindre perfection à une plus grande. .” Spinoza

Laëtitia signifie la joie. La Joie ou la fin des hommes.
Le lecteur ne s’arrête pas sur cette citation. Il est prévenu.

Il se peut que cette lecture ait une histoire. Je dirai la mienne. Elle s’est faite en deux temps.

D’abord une lecture sans effort car l’auteur a une grande maîtrise. La construction est parfaite, l’intérêt soutenu de bout en bout. C’est évident on a affaire à un écrivain de la meilleure veine.
En même temps des agacements, des effets littéraires qui paraissent un peu voyants surtout à cause de l’horreur du drame, d’un certain lyrisme qui affleure parfois et jure avec lui. Aussi une empathie trop grande avec la victime ?
J’ai terminé le livre dans un grand état d’accablement. Pourtant j’ai eu conscience que ma lecture avait changé de nature lorsque j’ai lu les trois messages, que Laëtitia avait laissés en prévision de son suicide. Ils n’ont été connus qu’après le crime.
Celle qui paraissait heureuse de vivre, qui semblait en voie de réussir son émancipation tout d’un coup prévoyait, voulait une mort que le destin allait lui accorder avec une grande générosité.
Ailleurs, un proche dira que le jour de sa mort la raisonnable et réservée Laétitia avait commis un nombre considérable d’erreurs qu’un enfant de dix ans n’aurait pas faites.

Il a fallu une nuit pour que l’abattement, la révolte, la compassion se muent en une admiration qui métamorphose le destin de Laëtitia.

Laëtitia n’est pas une malheureuse victime d’un fait divers, pas même l’héroïne d’un drame. Elle est celle d’une tragédie, une Iphigénie immolée qu’une biche ne viendrait pas sauver.

Dans une tragédie, à la différence du drame, il y a une transcendance qui mène le jeu.

L’auteur n’a pas magnifié Laétitia, il n’a pas forcé le trait, dans le sens du pire ou du meilleur. Il l’a montrée telle qu’elle était extraordinairement attachante, intelligente, vraie et droite, subissant toutes les injustices que le peu de cartes de sa condition sociale et familiale lui avaient mises en main.

Pour ceux qui l’ont aimée certes la consolation est mince. La grandeur de l’auteur est d’avoir perçu la grandeur de Laëtitia. Du coup les passages qui m’avaient agacé me sont parus légitimes. Cette beauté était bien la sienne.

J’ai compris le pourquoi de la citation en exergue.



5/5