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  • Auteur: Marc Aurèle
  • Editeur: E-BOOKARAMA (8 septembre 2022)
  • Pages: ‎ 82 pages
  • Langue: Français

Description du livre Pensées pour moi-même (2022):

Les "Pensées pour moi-même" est le titre d'une série de réflexions divisées en douze livres qui ont été rédigées en grec par l’empereur romain Marc Aurèle, entre 170 et 180 ap. J.C., souvent pendant ses campagnes militaires. Elles étaient à l’origine destinées à être détruites à la mort de son auteur, mais elles ont dépassé le statut de simple journal intime, pour devenir un ouvrage majeur de la philosophie stoïcienne.
Marc Aurèle s'y fait de nombreux reproches, réexpose périodiquement les mêmes idées et se donne des exercices afin de ne pas céder aux multiples tentations et facilités auxquelles il est exposé, et afin de persévérer dans la voie de la philosophie qu'il reconnaît comme la seule mesure de la valeur d'un homme.
Rédigées dans un style simple et froid, les 
Pensées sont une suite d'aphorismes et de courtes réflexions portant sur le devoir, la mort et la conduite du sage face aux erreurs et à la méchanceté des Hommes.


Commentaires

Marc-Aurèle  (121-180), le fameux empereur romain qui appartient à la tradition stoïcienne (la doctrine du Portique), tout le monde, ou presque, en a entendu parler. Les cinéphiles et autres amateurs de cinéma se souviennent de sa représentation par l'acteur irlandais Richard Harris dans  Gladiator , le film de Ridley Scott. Il est le père du méchant et tyrannique Commode... A quarante ans tout-juste, Marc-Aurèle devient empereur et règne ainsi sur Rome pendant deux bonnes décennies. Cette âme calme et cultivée a laissé pour la postérité cet ouvrage, « Pensées pour moi-même », que l'on pourra toujours lire (et relire) comme un recueil de préceptes. Il n'est d'ailleurs jamais trop tard pour commencer. Ce livre pourrait être lu et enseigné au lycée, ça ferait un bien fou à nos ados. Et ça leur donnerait de bonnes bases. Mais les adultes y trouveront aussi leur compte afin de mener une vie paisible, lucide et sereine. La gravité naturelle de l'auteur, sa « discipline héllénique » (autrement dit cette méthode d'éducation, et non une recette, qui consistait à la formation de l'esprit, à la souplesse de l'âme, à l'intelligence et à la stricte docilité du corps) contribue à faire de cet ouvrage un fort moment de lecture. Il nourrit notre âme, notre esprit. Il apporte joie et réconfort, amène à reconsidérer son propre « principe directeur ». C'est tendre et simple à la fois. Pour une bonne culture personnelle, et si l’on veut aller à l'essentiel, la lecture de cet ouvrage est hautement recommandée. On y reviendra forcément comme source de méditation. A déposer par exemple sur sa table de nuit ou aux W.C, quand on trône longuement pour chier et méditer (sic). Insensible aux séductions de la gloire et de la volupté, Marc-Aurèle courait vers le but. Il sut prêter, comme en témoignent ses écrits, l'oreille à son devoir d'homme fait et accompli (de petits paragraphes dans la première moitié de l'ouvrage évoluant vers de plus longs passages de méditation). Le principe de la parole donnée, la recherche de la paix, de la justice, de la sagesse et même de la joie sont illustrés par cette qualité de vie pratique (on voit bien que Spinoza, l'auteur de  l'Ethique  connaissait déjà cet ouvrage).

Partout où parut l’empereur, ça n'était qu'humanité et douceur (pour reprendre le titre d'un excellent ouvrage d'Anne Dufourmantelle que je conseille par la même occasion, 
Puissance de la douceur , aux éditions Payot). Bien sûr, à la mort de son épouse, Faustine, Marc-Aurèle fera un éloge touchant, même si à nos yeux, le fait qu'elle fut tendre, paisible et surtout « obéissante » peut prêter à sourire..., mais après tout, qu'est-ce qu'obéir (1) si ça n'est, justement, de savoir faire silence parfois et de demeurer tout autant libre intérieurement, sachant reconnaître les qualités d'un autre être, non pas supérieur à soi, mais un être dont l'autorité est naturelle quand il témoigne d'un amour simple. Sa lucidité, son équilibre, sa connaissance modeste, son absence de désir de domination bannissent alors la crainte et la révolte. L'intérêt d'un tel ouvrage, c'est aussi de saisir, de comprendre que l'entraînement, l'exercice de la sobriété, la méditation personnelle, la réflexion, l'ataraxie - cette absence de trouble - peut devenir, quand la situation l'exige, l'occasion d'une prompte décision et d'opiniâtre action. Les mots clés : prudence, raison, savoir-vivre, sociabilité, équilibre, paix de l'esprit, justice, philanthropie, modestie, morale stoïcienne pratique, principe directeur... Alors, certes, parfois on tombera sur des lieux communs, mais les recommandations singulières pour vivre conformément à la nature n'échapperont à personne. Un extrait ? « Dès l'aurore, dis-toi par avance : je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux. Pour moi, ayant jugé que la nature du bien est le beau, que celle du mal est le laid, et que la nature du coupable lui-même est d'être mon parent, non par la communauté du sang ou d'une même semence, mais par celle de l'intelligence et d'une même parcelle de la divinité, je ne puis éprouver du dommage de la part d'aucun d'eux, car aucun d'eux ne peut me couvrir de laideur. » (Livre II, page 39). Ou encore : « Tout découle de là. De plus, tout ce qui arrive est nécessaire et utile au monde universel, dont tu fais partie ».

Plus loin, on peut lire que ce qui compte pour Marc-Aurèle, c'est de se conserver de toute passion (politique ou romantique). On est loin de certains romanciers qui n'exaltent que l'amour-passion, cette pathologie si bien décrite par Denis de Rougemont dans 
L'amour et l'Occident , autre ouvrage de référence, aux éditions 10/18). De se garder aussi de toute inconsidération, de toute mauvaise humeur « contre ce qui nous vient des dieux et des hommes ». L'empereur-philosophe revient souvent sur la notion de présent, sur le bonheur, que seul le présent nous appartient (2). Le reste ne nous appartient pas. Les lecteurs de  Sénèque  comprendront aussi. Autre chose, Marc-Aurèle en insistant sur la Raison montre que c'est une arme dont on doit faire usage. Cela nous évitera bien des tourments (et autres psychanalyses...). Mais dans ce monde sec et froid, bourrés de paradoxes, dans ce monde qui juge hâtivement et superficiellement ses semblables, bien trop vite, « on » a peur de la Raison. La Raison fait peur car elle procède d'une autodiscipline sans concession. Mais Marc-Aurèle, comme avant lui  Paul de Tarse , et après lui,  Martin Luther King , rappelle l'alliance nécessaire entre raison et douceur, douceur et prudence, fermeté et souplesse. L'une de ces vertus sans une autre ne serait plus une vertu… Et l'on perd tout : on perd son esprit et son âme et l'on fait les pires conneries. Des conneries que l’on pourrait regretter toute sa vie. Autrement dit, si certaines choses ne dépendent pas de nous, d’autres en dépendent grandement. Il s’agit de réfléchir à cela. De penser aux conséquences de nos gestes et de nos paroles, de penser à ce qui est agréable, doux et parfait. De courir ou de marcher vers le But sans craindre quoi que ce soit. Autre extrait : « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre ». Ou encore : « Va toujours par le chemin le plus court, et le plus court est celui qui va selon la nature. Voilà pourquoi il faut agir en tout de la façon la plus naturelle. Une telle ligne de conduite te délivrera de l'emphase, de l'exagération et du style figuré et artificiel... »

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(1) Ne surtout pas confondre le fait d'être doux et doucereux (ou mielleux); ça n'a rien à voir. On pourrait dire tout simplement que le fait d'être doux consiste à parler ou avertir gentiment. Hélas, la douceur est parfois aussi un argument de vente, et la servitude volontaire un programme qui se déroule sans heurt, pour reprendre l'expression d'Anne Dufourmantelle (Page 40 de l'ouvrage précité). Pour la gentillesse, idem : elle peut être tour à tour une faiblesse et un manque d'intelligence, ou bien une force associée à l'intelligence, si l'on suit le modèle de Marc-Aurèle. Quant aux mots obéissance et désobéissance, ils sont selon les époques très différents... L'obéissance peut être vue à juste titre comme une docilité à un pouvoir (moi-même ayant pas mal de réticence à l'égard de toute forme de pouvoir et d'autoritarisme), comme une docilité à ce qui peut nous tromper et nous manipuler. Obéir peut donc être vu, à juste titre, comme un aveuglement volontaire, une docilité, une servitude volontaire là encore, une petite morale bourgeoise ou un moralisme petit bourgeois, ou pire encore, comme une sorte de fascisme. Alors que le mot désobéissance désignait, il n'y a pas longtemps, ce merveilleux sentiment qui incitait à se révolter contre tout cela. Seulement voilà, comme l'a merveilleusement montré Pier Paolo Pasolini dans 
Lettres Luthériennes  (petit traité pédagogique, aux éditions Points/Seuil), la vieille désobéissance est parfois devenue, dans des contextes particuliers, une nouvelle obéissance, et l'ancienne obéissance est devenue, ou a pu devenir, une nouvelle forme de désobéissance. A méditer, notamment les pages 93-95 du bouquin de Pasolini... mais aussi les pages 106-110 de  Spinoza et la politique  par Etienne Balibar, lequel revient sur cette notion. Je pense également au personnage féminin que l'on trouve dans  Le Loup des Steppes  (Hermann Hesse) qui comprend que parfois les hommes aient besoin d'obéir aux femmes (sic).

(2) Seul le présent nous appartient, mais que reste-t-il à faire ? Autrement dit, s'il y a un temps pour se contenter de ce que l'on a, et un temps pour contempler les bonnes choses et même être au repos (intérieurement), cela n'empêche pas de se demander, et maintenant, que reste-t-il à faire pour vivre et améliorer mon prochain présent ? Après de telles lectures, que chacun(e) puisse penser par soi-même. Et maintenant.., je vous souhaite l'essentiel : procurez-vous ce bouquin et puissiez-vous mener une vie bonne.
5/5