Les grands généraux de Rome... et les autres (2022)

Je suis un lecteur de très longue date du professeur Le Bohec et je possède la totalité de son oeuvre tout simplement géniale : en France il est l'homme qui a été capable de terrasser les marxistes et les imbéciles, voire les deux à la fois, et donner ses lettres de noblesse à l'histoire militaire de l'Urbs. Si vous connaissez déjà les travaux de Le Bohec vous êtes en terre connue avec une étude chronologique des Imperators et autres Dux qui imposèrent la suprématie de l'Urbs sur le monde connu de cette époque. En ce qui me concerne je suis d'accord avec l'auteur pour désigner un général comme un magistrat du type consul, proconsul, préteur ou propréteur possédant l'Imperium qui est le pouvoir de contrainte à l'égard des citoyens romains dans un cadre légal. L'ouvrage comprend schématiquement deux grandes parties, la première traite des généraux mythique de la Res Publica allant de Romulus à Camille avec une certaine obscurité des sources et un usage massif de référence à l'ouvrage du recteur Hinard sur la genèse de L'Urbs (tome 1 de l'Histoire Romaine). On passe vite d'un modèle ou les héros sont de type homérique avec des duels à des choses beaucoup plus factuelles qui sont la conquête du Latium sur 200 ans, puis celle de l'Italie en 75 ans. Les sources deviennent de plus en plus ferme après Camille et on peut dire que les guerres puniques font entrer Rome dans la modernité avec une histoire militaire réaliste et factuelle. Toutes les grandes batailles sont passées en revue, car de Cannes à Zama ce sont elles qui font, ou pas de grands généraux. Pour autant il ne s'agit pas d'une simple histoire bataille, mais d'une évocation transverse des grandes épreuves que traverse l'Urbs avec les réformes avortées des deux Gracques, les guerres sociales (soccii : allié) avec l'émergence de deux proto-partis politiques qui oppose les Populares et les Optimates, on aborde bien sûr la période Marius/Sylla qui préfigure les terribles conflits civils qui vont dévaster l'Italie en opposant Pompé et César. Crassus est bien évoqué et son portrait est plutôt équitable, il en va de même de Lucullus le lieutenant de Sylla injustement passé sous silence. La période des guerres civiles à Rome voit vraiment l'émergence de grand généraux. Ensuite on passe au haut Empire puis au Bas empire d'une manière rigoureusement chronologique, avec pour chaque général cité une fiche technique. L'ouvrage est très bien écrit, la lecture est fluide, mais compte tenu de la richesse du sujet je pense qu'il y avait matière à un ouvrage de 500 pages plus détaillé. Toutefois, cet ouvrage pour un lecteur qui découvre les travaux du professeur Le Bohec est une excellente introduction à son oeuvre militaire ou quasiment tous les détails qui manquent à ce volume sont présents. Je recommande vivement cet ouvrage remarquable bien que trop court à mon avis!!! Cela étant dit vivement le prochain…

Post scriptum au 21/05/2022 : incontestablement l'ouvrage est trop centré sur la période tardo-réapublicaine, le principat d'Auguste et les julio-Claudien, la partie qui couvre la période qui va de Commode à la fin de l'Empire romain d'Occident est à mon avis trop courte. D'autant que reconnaître la qualité de grand général à Octavien/Auguste est contestable, car si l'empire connaît une extension brillante sous son principat j'aurai tendance à en attribuer la cause à Marcus Agrippa et aux légats de légion choisi avec pertinence. De même le jugement négatif portée sur Trajan, l'optimus princepts va faire grincer des dents, même s'il est vrai que la quasi totalité des conquêtes territoriales de Trajan s'effondrent rapidement obligeant Hadrien à mettre les frontières de l'Empire en position de défense avec le fameux mur d'Hadrien en Ecosse et la construction du fameux mur du diable en Germanie. Toutefois la desrciption des campagnes de celui qui est pour moi le plus grand empereur romain Marc Aurèle est tout à fait pertinente. La dernière extension de l'Empire romain se déroule sous Septime Sévère, et il est vrai que la fin de l'Empire romain d'occident possède quelque chose de pathétique qui paraît rebuter le professeur Le Bohec qui refuse le concept de décadence : juste un bémol à introduire...

5/5