Indélébile (2022)

Voilà un livre qui est une vraie bonne surprise.

Pourquoi une surprise ? N'a-t-il pas reçu un des prix des étoiles de Librinova ? C'est bien cela qui m'a donné envie de le lire ! Oui, mais le pitch a l'air si classique : une histoire de huis clos, chaque personnage révélant petit à petit ses secrets. Chacun est au bord d'une phase décisive, traînant une certaine résignation à vivre tout en rêvant de remise en question et en procrastinant, comme beaucoup d'entre nous, j'imagine... et puis un tournant décisif de leurs vies se joue en l'espace de quelques jours.

Classique, mais tout de même fondamental, donc attractif, et potentiellement captivant si l'auteure réussit à nous surprendre avec un nouveau traitement du sujet. Or, c'est le cas. Son angle d'attaque repose sur une habile contradiction : la possibilité de se libérer de son passé sous contrainte. Voilà, une sorte d'exercice de style, d'oulipo de la libération : en cas d'obligation imprévue à rester piégé pendant quelques jours avec des inconnus, que se passe-t-il ? On met des inconnus dans un piège fortuit, soudain, qui les fait sortir de la routine : qu'est-ce que cela fait bouger en eux ? Eh bien cela fonctionne très bien, une cascade de faits et de décisions (vraiment) inattendus se produit.

Et nous alors, si nous réfléchissions à ce que pourrait produire une situation de libération potentielle sous contrainte, que pourrions-nous en sortir ? Indélébile suggère que de la même manière que l'écriture sous contrainte donne des résultats parfois bien plus beaux que l'écriture livrée à elle-même, la libération sous contrainte peut donner des résultats bien plus riches que le flou d'une vie routinière où tout est théoriquement possible, mais où aucun jour n'a de raison de différer du précédent. Et surtout, des résultats bien plus riches que les tentatives conscientes de provoquer des changements (thérapies, retraites... ou que sais-je). « Contrainte », « nécessité de s'adapter » : après avoir lu Indélébile, ces termes ne pourront plus vous apparaître comme des contraires de « libération » !

Et puis évidemment, de la même manière que les textes de l'oulipo sont souvent drôles, on peut ajouter que l'auteure a de l'humour, et que cet humour s'exprime l'air de rien dans des situations qui utilisent des clichés d'une manière complètement inattendue : une scène de jardinage qui vire à la « séance boueuse de pole dance », une scène de sexe complètement improbable mais pourtant terriblement juste jusque dans les images intrusives qui s'imposent à l'un des protagonistes en plein acte... Il s'agit d'un humour qui imprègne subtilement la structure et chaque moment du livre.

Quand je vous disais que c'est une vraie bonne surprise !

5/5