1001Ebook » Histoire » La place (2022)
  • Auteur: Annie Ernaux
  • Editeur: ‎ Editions Gallimard (31 janvier 2013)
  • Pages: ‎ 112 pages
  • Langue: Français

Description du livre La place (2022):

"Enfant, quand je m'efforçais de m'exprimer dans un langage châtié, j'avais l'impression de me jeter dans le vide.
Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m'aurait obligée à bien parler sans arrêt en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche.
Puisque la maîtresse me reprenait, plus tard j'ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que se parterrer ou quart moins d'onze heures n'existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois : Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps ! Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l'argent."



Commentaires

En rendant hommage à son père défunt, Annie Ernaux fait aussi oeuvre biographique: Cet homme, qui l'a choyée quand elle était enfant, et dont elle appréciait les qualités humaines, elle a fini par en avoir honte , lorsqu'elle l'a regardé avec les yeux des autres, à mesure qu'elle s'éloignait de son milieu d'origine. D'où l'ambivalence du souvenir, partagé entre amour filial et culpabilité . Culpabilité d'une" mauvaise "fille, devenue étrangère à ses parents, maintenant qu'elle s'est élevée dans l'échelle sociale, en grande partie grâce à leurs sacrifices.
On retrouve là tous les ingrédients qui ont fait le succès de Bourdieu: Codes implicites, habitus.... constitutifs de la"distinction" , mais ici, on n'est plus dans un discours théorique. On a affaire à un témoignage littéraire, dont la force vient de ce qu'il est incarné par un écrivain. Un écrivain qui a suffisamment de talent pour que l'usage du "JE" prenne valeur universelle.
Le style de l'auteur dans ce livre est dense, strictement narratif, comme si elle portait un regard objectif sur tous les personnages, y compris le sien. Pudique. Sans pathos.

D'où la puissance évocatrice qui s'en dégage.



4/5