1001Ebook » Histoire » Nous étions seuls: L'histoire diplomatique de la France 1919-1939 (2023)
  • Auteur: Gérard Araud
  • Editeur: Tallandier (16 mars 2023)
  • Pages: 305 pages
  • Langue: Français

Description du livre Nous étions seuls: L'histoire diplomatique de la France 1919-1939 (2023):

« Quand on a de tels alliés, on n’a pas besoin d’ennemis ! » constate Gérard Araud dans cette relecture inédite de l’entre-deux-guerres. Un regard passionnant sur cette période cruciale où la France,lucide et terriblement seule, se battait pour sauver la paix.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France sort victorieuse mais épuisée, durablement blessée dans sa chair et sur son territoire. L’Allemagne n’accepte pas sa défaite et se sent humiliée par le traité de Versailles. L’Angleterre, qui a limité les pertes grâce à sa géographie, trouve que la France se plaint trop. Quant aux États-Unis, ils n’ont qu’une obsession : récupérer l’argent prêté. Et en ne ratifiant pas le traité, les Américains rendent caduque la sécurité de notre frontière. Le rêve de Clemenceau d’une entente à trois s’évanouit, trahi par ses alliés.
C’est en diplomate que Gérard Araud retrace cette histoire, agrémentée de savoureux portraits : Poincaré, Briand, Berthelot, Lloyd George dont Clemenceau dit qu’il est « capable de mentir huit fois dans la même journée ! », Saint-John Perse, Keynes, Barthou ou Daladier. Il raconte les avancées, les reculades, les espoirs et les trahisons de chaque acteur jusqu’au précipice de la Seconde Guerre mondiale.
Au moment où la guerre est de retour en Europe et où pèse l’ombre du passé, voici une formidable et nécessaire leçon d’Histoire.



Commentaires

Cela faisait longtemps que je n'avais dévoré un tel livre remarquablement bien écrit et offrant une telle finesse dans ses analyses. Partant du traité de Versailles, l'auteur expose l'état d'esprit du vaincu qui crie à l'injustice et relève les divergences d'intérêts dans le camp des vainqueurs liées au fait que la France a été la plus meurtrie : les destructions se situent majoritairement sur son sol, une classe d'âge a été saignée à blanc et son économie est anéantie. Les Britanniques renouent avec leur souci de ne pas retrouver une France hégémonique en relativisant la portée et en contrariant l'exécution du traité de paix au profit d'une Allemagne qui présente le grand avantage d'être anti-communiste et qui aura pour champion un homme de parole, globalement respectable, avec qui on peut traiter : Hitler (Eh oui ! Telle était la vision largement partagée à Londres). Les Américains qui n'ont pas ratifié le traité, ne sont animés que par leurs seuls intérêts ; ainsi vont-ils agir pour que les règles fixées pour verser les dommages de guerre soient atténuées, mises entre parenthèses, voire écartées, tout en exigeant de la France qu'elle leur rembourse ses dettes alors que Paris avait fait en sorte que les traites soient honorées par les versements allemands... Pire, ils vont évoluer dans une utopie (Société des Nations, vision idyllique capitalisme créateur de paix) avant de se désintéresser de l'Europe au nom d'un isolationnisme servant là encore les intérêts. Bref, Anglais et Américains vont largement contribuer à affaiblir la France laquelle avait pris rapidement conscience du danger (dès 1919) mais aussi de ses limites : elle était persuadée qu'elle ne pouvait rien faire sans Londres après avoir compris que Washington était et serait aux abonnés absents. C'est donc la Grande-Bretagne qui a fait la politique de la France qui n'avait pas les moyens de sa politique, en tout cas qui a longtemps cru ne pas les avoir jusqu'à ce que l'Allemagne redevienne une puissance militaire de premier plan avec la bénédiction des Anglais (cf. le traité militaire naval signé avec l'Allemagne). En outre, il ne fait pas mésestimer la portée du sentiment pacifiste qui anime les Français, de même que le courant anti-bolchévique depuis 1917.
Fort de son expérience de diplomate, Gérard Araud, après un colossal travail de documentation, expose la marche de la France vers la défaite, marche qu'il ne juge pourtant pas inexorable : il ne ménage pas certains militaires d'un autre âge qui n'ont pas vu (voulu voir ?) l'intérêt de l'arme blindée et n'ont pas réfléchi à des méthodes tactiques incluant la puissance de l'aviation. De toute façon, les Nazis valaient mieux que les communistes...
Il regrette que cette situation qui a conduit tout droit à Vichy occulte largement encore aujourd'hui le courage des soldats français lors de la campagne de 1940, ce qui, au passage, permet de cacher les responsabilités de la Grande-Bretagne qui a mis plus de vingt ans, en 1939, à assurer la France de son soutien militaire, et celles des Américains qui ont joué contre elle.
Enfin, Gérard Araud tire des enseignements encore valables aujourd'hui : une diplomatie efficace ne se conçoit que si on a les moyens militaires et la volonté de tirer l'épée quand il le faut sans faire de morale mais en étant particulièrement réaliste d'une part, et une politique étrangère ne se délègue pas d'autre part.
Même si cela n'est pas dit en toutes lettres, on ne peut que s'interroger sur la situation européenne actuelle avec une France à la remorque d'une Allemagne au détriment de ses propres intérêts (cf. le marché de l'électricité qui tue nos petits artisans) alors que la France est la première puissance militaire en Europe (si on ne dépasse pas 24 heures de conflit !!!), la distance prise avec la Russie au nom de la morale alors que cela ne correspond pas à nos intérêts. Ce sont ces derniers et uniquement ces derniers qui doivent dicter notre conduite !
Même si l'auteur ne le dit pas - et je pense que cela aurait mérité quelques développements -, on peut également s'interroger sur la vision manichéenne et donc naïve de la diplomatie de nos jours qui donne une place au juge alors que ce dernier n'a rien à y faire : il ne fait que nous brider et nous empêche d'accomplir des actions salvatrices.
A bon entendeur...



5/5