1001Ebook » Histoire » Mein Kampf, histoire d’un livre (Champs Histoire) (2023)
  • Auteur: Antoine Vitkine
  • Editeur: Flammarion (15 janvier 2020)
  • Pages: ‎ 309 pages
  • Langue: Français

Description du livre Mein Kampf, histoire d’un livre (Champs Histoire) (2023):

C’est un des livres politiques les plus vendus de tous les temps. Un des plus terrifiants aussi.
Diffusé à 12 millions d’exemplaires en Allemagne, à des centaines de milliers dans une vingtaine de pays avant 1945, Mein Kampf se vend, aujourd’hui encore, dans le monde entier. Pourtant, l’histoire de ce bréviaire nazi devenu un best-seller planétaire est peu connue.
Sait-on vraiment comment Mein Kampf a été écrit et pour quelles raisons ce livre a joué un rôle clef dans l’accession de son auteur au pouvoir ? Pourquoi le Führer a-t-il tenté de dissimuler son ouvrage au regard du monde, au point de faire publier un faux en France ?
Cette enquête passionnante et rigoureuse mène le lecteur de la cellule de prison où Hitler rédigea son livre aux couloirs du gouvernement de Bavière aujourd’hui, du Paris d’avant-guerre aux librairies turques modernes, en passant par les milieux néonazis. Alors que Mein Kampf est entré dans le domaine public en 2016, connaître les origines de ce manifeste du nationalisme et de l’extrémisme permet de comprendre pourquoi il demeure d’une actualité brûlante.



Commentaires

Je tire mon chapeau à M. Antoine Vitkine pour la qualité de son historique de Mein Kampf. C’est un travail salutaire qui se lit comme un roman et plonge le lecteur dans la consternation et l’abjection la plus totale. Tous ceux qui ne connaissent pas le 3ème Reich et son fondateur trouveront dans ce livre les éléments essentiels permettant de nourrir leur réflexion. Un seul écueil à éviter, en histoire, on considère que le futur ne permet pas d’expliquer le passé, parce qu’à posteriori il est toujours très facile d’expliquer que l’on aurait fait mieux que les acteurs de l’histoire, mais cela est faux, il s’agit simplement d’une rationalisation à posteriori.

J’ai été amené à effectuer, il y a 26 ans, une étude historique sur la fameuse « bible nazie » dans le cadre d’une étude sur l’idéologie dans le système totalitaire. J’ai donc travaillé sur la version publiée par les Nouvelles Editions Latines auquel M. Vitkine fait référence dans son livre lorsqu’il est question de la version française. Ce livre à couverture orange et typographie baveuse correspond tout à fait aux éléments présentés. Toutefois, à l’époque nous avions considéré que le livre appartenait à un passé nauséabond révolu.

M. Vitkine montre qu’il n’en est rien. Mein Kampf est un concentré de haine, cristallisé sur la théorie du complot, qui pour tous les échecs personnels de Hitler et de l’Allemagne après 1918 donne une explication sous forme d’une complot ourdi par des Juifs. Même l’envoi de soldats Noirs par la France pour occuper la Ruhr est selon Hitler une action attribuable à un complot juif, il en va de même lors que des hommes de couleur exercent des professions intellectuelles et/ou libérales aux Etats-Unis : c’est un complot Juif qui veut la mort de la race blanche. Bien sûr Hitler s’en prend avec violence à la France « un pays en voie de négrification » selon les termes de son auteur. Les Slaves ne sont pas épargnés et sont déjà présentés comme des sous-hommes aux dépends desquels il sera nécessaire de se tailler à l’Est un espace vital (Lebensraum) qui est un emprunt mal compris, mais bien pratique à la géopolitique de Karl Haushofer et une réminiscence du Drang Nach Osten qui remonte au moins à l’époque des Chevaliers teutoniques. M. Vitkine montre que cet ouvrage n’a pas été pris suffisamment au sérieux à l’époque, Charles de Gaulle y voyait un pamphlet pangermanique, Léon Blum s’en gaussait ouvertement considérant qu’il s’agissait d’un pensum écrit par un fou. Churchill était beaucoup plus inquiet. La diffusion de Mein Kampf a été considérable en Allemagne et à l’étranger, avec notamment une version « allégée » pour la France, et une prise en charge personnelle du dossier d’édition par Mussolini en Italie. Sous le 3ème Reich ce livre est vendu ou diffusé à 12 450 000 exemplaires selon les dernières estimations. Selon diverses procédure qui vont jusqu’à la vente forcée, et son utilisation comme support pédagogique pour la Hitlerjungen.
La position des allemands est extraordinairement ambiguë et soulève bien des questions qui restent sans réponse. Immédiatement après la chute du régime les autorités d’occupation interdisent le livre, ce qui pousse certains allemands à le conserver enterré dans leur jardin. Nous assistons à une situation de déni de réalité : personne ne reconnaît avoir lu ce livre qui sert pourtant de preuve à charge lors des jugements de Nuremberg. En somme, les Allemands connaissaient très mal la pensée du Führer malgré un endoctrinement de masse, la fameuse ritournelle « nous ne savions pas » devient l’explication générale. Cela est pour le moins choquant et conduit le lecteur à s’interroger sur la nature du problème : peut-être que Jonathan Goldhagen à raison (les bourreaux volontaires de Hilter) et qu’il existe une spécificité allemande en matière d’antisémitisme…En 2007, on assiste à une infamie absolue, une présentatrice vedette de la télévision allemande, Eva Herman estime que tout n’a pas été négatif sous le nazisme, insistant sur l’enseignement et y rajoutant la construction d’autoroutes. Selon des sondages d’opinion 20 à2 5% des allemands interrogés estiment que le nazisme a eu des effets positifs ..

Hormis les quelques groupes de néonazis qui n’ont même pas lu le livre, Mein Kampf reste un succès de librairie avec comme débouché les pays de l’Est, certes, mais aussi l’Inde avec les nationalistes hindou qui y voit une sorte de bréviaire politique avec la thématique forte d’un peuple homogène sous la tutelle d’un pouvoir autoritaire : dans la symbolique du BJP les musulmans remplacent les Juifs et l’on procède à des pogromes de musulmans.

M Vitkine rappel à l’usage des naïfs et des imbéciles, de plus en plus nombreux, que la « Bible nazie » connait un succès dans le monde Arabe depuis 70 ans, de la Syrie à l’Egypte, repris par les mouvements antisionistes et les islamistes radicaux de toute nature. La racine du mal et les connivences antisémites évoquées par Vitkine ont fait l’objet d’un seul ouvrage universitaire auquel il est nécessaire de renvoyer le lecteur : Martin Cüppers et Klaus Michael Mallmann, « Croissant Fertile et croix gammée : le 3ème Reich, les Arabes et la Palestine », Verdier 2009 : le 3ème Reich et les Arabes sous le haut patronage du grand Muphti de Jérusalem en exil à Berlin prévoyait la destruction de la communauté juive de Palestine (Yichouv).

M. Vitkine montre que le livre d’Adolf continue sa carrière immonde en Turquie, où il a été une sorte de bestseller sous le titre de « Kavgam ». Lors d’une interview conduite par M. Vitkine la réponse concernant la motivation des lecteurs de Kavgam est sans appel, Mein Kampf est un ouvrage qui « aide à comprendre la politique des Juifs aujourd’hui. C’est comme dans les films américains : les Américains sont toujours les gentils. Or dans la réalité c’est l’inverse. Eh bien Mein Kampf c’est pareil. Hitler révèle la vrai nature des Juifs (…) Mais nous détestons autant les Juifs que Hitler, car nous voyons ce qu’ils font aux Palestiniens ». L’affaire est loin d’être terminée, Mein Kampf a encore de beaux jours devant lui.



5/5